GILLI PONTECORVO, cinéma Italien/ G ZEter octobre 2006

LIEN internet: http://divergences.be/

 

Gillo Pontecorvo - ADDIO COMPAGNO BARNABA ! 

 

Par : Georges ZETER

 

Filmographie

La Grande route bleue (La grande strada azzura), 1957

Kapo, 1959

La bataille d'Alger (La battaglia di Algeri), 1965

Queimada, 1971

Ogro, 1979

 

Né en                   : 1919

Néant                   : 2006

 

Deux dates peuvent-elles résumer un homme, un cinéaste tel que Gillo Pontecorvo ?  Cinq films de fiction pas plus. Entre 1957 et 1979, Gillo Pontecorvo s'est attaché à dépeindre les souffrances des "gens", du vulgum pecum, sans vrai parti pris, quoi qu'on en dise, un peu un Primo Levi de la caméra contant d'une manière clinique des "événements" politiques ou sociaux. 

Récemment j'écrivais un papier concernant Giulliano Montaldo et son film Sacco et Vanzetti.  Le lien entre les deux hommes était patent, Montaldo fut l'assistant réalisateur de Pontecorvo sur deux de ses films, il reste donc un témoin privilégié d'une certaine forme de cinéma. D'un cinéma qui ne prenait pas des gants pour montrer à nous, les assis passifs des salles obscures et qui par choix décident que le défilement de la pellicule 35mm n'est pas seulement un "entertainment", ce qui nous rend par extension des spectateurs actifs et conscients, c'est aussi une manière de visiter ou revisiter l'histoire et d'en tirer des conclusions personnelles, des conclusions qui construisent des "si c'est un homme". 

Toutes disparition est un musée qui s'éloigne, dans le cas de Pontecorvo, un homme, témoin volontariste de son époque nous quitte, et ce n'est pas la génération "montante" qui le remplacera, bien trop occupée à regarder vers les chiffres du box office, effets spéciaux en tous genres, bimbos siliconées… Le cinéma dans son ensemble à de rares exceptions est devenu un Titanic, d'où les records financiers de ce film.  L'iceberg qui nous a heurté il y a déjà un bout de temps, n'est pas de glace… Ou plutôt si, de glace, de celle dont on fabrique les miroirs. Après tout, nous avons les films que nous méritons, il en va ainsi des hommes politiques, des stars du showbiz ( it's no business like show business), et autres affidés. En citant Léo Ferré, "nous ne pouvons même plus nous regarder tellement nous sommes beaux".  Et oui ! Nous sommes si beaux.

Si l'on pouvait considérer l'œuvre de Gillo Pontecorvo sous l'angle du Modèle Hermann ou HBDI,[1] en prenant plus spécialement en exemple le film La bataille d'Alger, nous pourrions la décortiquer de la façon suivante :

- Cortical gauche (pensée logique, analyse des faits) : La logique (du grec logos, raison, discours) est depuis l'antiquité l'une des grandes disciplines de la philosophie, avec l'éthique et la métaphysique. Que ce soit dans La grande strada azzura, qui décrit la vie (la survie) difficile d'un petit village de pêcheurs, Kapo qui narre l'histoire d'une jeune fille juive internée dans un camp de concentration, et qui devient l'auxiliaire des nazis, La battaglia di Algeri basée en partie sur l'histoire des souvenirs de combat du commandant Saadi Yacef dans la casbah d'Alger, Queimada, de nouveau un regard sur le colonialisme, cette fois dans les Antilles du XIXème siècle, Ogro traite du terrorisme, à travers le meurtre du successeur du général Franco, et de la fin d'une dictature. Il en ressort que Pontecorvo a abordé dans ses cinq films le thème de l'oppression et sa logique Nihiliste.  L'analyse des faits exposés (encore plus particulièrement dans La batille d'Alger) conte à partir d'individus ou de faits isolés, l'imbrication entre les processus conflictuels internes aux communautés politiques à différentes échelles, et les affrontements entre peuples ; une perspective chronologique qui, dans la durée analyse les rapports entre conflits et violences, culture de guerre et manifestations paroxystiques du conflit dans les révolutions. 

- Limbique gauche (approche planifiée, organisation des faits, révision détaillée) : 1964,  Gillo Pontecorvo et Franco Solinas (son scénariste) se plongent dans six mois de recherches intensives : ils fouillent les archives de police, relisent la presse de l'époque, interrogent aussi bien des vétérans des troupes françaises que des révolutionnaires algériens. A tout cela s'ajoutent les propres souvenirs de Saadi Yacef, qu'il a couché sur papier en prison, après avoir été arrêté par les Français.

Dans une interview, Jean Martin, comédien qui interprétait le colonel Mathieu (personnage inspiré du général Massu) nous dit faisant suite à une question d'un journaliste d'Arté :

- Pourquoi Gillo Pontecorvo a-t-il fait appel à vous pour interpréter le rôle du colonel Mathieu ? 

- "À l'époque, il recherchait un comédien pas trop connu, car il souhaitait que son film soit vu comme une reconstitution historique. Or, en voyant une célébrité à l'écran, le spectateur risquait de penser qu'il s'agissait d'une fiction […] Il dit des choses importantes, notamment pour expliquer comment la France en est venue à pratiquer la torture".[2]

- Cortical droit (imagination, visualisation, conceptualisation) : le propos ici n'est pas d'entrer dans l'étude approfondie de l'imagination des divers "êtres de raison" telle que véhicule dans l'Organon Aristote, mais certainement, Pontecorvo nous a mis devant un modèle de représentation, son principe n'est pas d'abord à inventer, mais à découvrir.  Il faut dans ce cas présent chercher à comprendre quelle est la structuration de l'imagination impliquée dans le rapport entre l'universel et le singulier entre le prédicat et le sujet d'une énonciation :

"Je crois plus à la capacité du FLN à vaincre la France qu'à celle de la France à s'opposer à la marche de l'Histoire." Ces mots prononcés par le chef de réseau Ben M'hidi traduisent le point de vue de Pontecorvo : l'indépendance était inévitable". [3]

La visualisation s'établit par : […] Le début du film nous remet dans la situation du spectateur de 1965 : une séance de torture vient d'avoir lieu. Comment en sommes-nous arrivé là ?  

La conceptualisation elle, est le cÅ“ur d'une réflexion et l'articulation d'une pensée singulière. En cela Pontecorvo ne nous déçoit pas : […]  Mais si le cinéaste compose son film en historien attentif, (Ou concept de visualisation objective), il filme l'irruption de la violence en humaniste horrifié (concept de visualisation subjective) Il suit une femme qui va poser une bombe dans une cafétéria de la ville française. Le spectateur partage son angoisse au moment du passage du poste de contrôle, sent son trouble en voyant la foule d'innocents qui vont mourir. Puis, une fois la militante partie, la caméra le ramène dans ce café quelques secondes avant l'explosion, pour regarder en face ces vies qui vont être fauchées.

- Limbique droit (réaction viscérale, réponse sensible, approche relationnelle) : a une autre question adressé à Jean Martin :

- comment s'est déroulé le tournage ?  Celui-ci répond,

- "Pontecorvo refusait toute théâtralisation […] Nous avions aussi de longues discussions.

(Approche relationnelle)  Il voulait être le plus clair possible sur la signification des scènes. Il souhaitait à tout prix éviter qu'on pense qu'il était de parti pris. (Rationalité, manque de réactions viscérales négatives pour l'Å“uvre)  "De mon point de vue, il a parfaitement contourné cet écueil : le film ne glorifie ni les Français, ni les Algériens, et montre les victimes des violences des deux côtés". [4] (Réponse sensible)

Enfin, en 1983, cet homme engagé a déclaré au Guardian britannique : "Je ne suis pas un révolutionnaire à tout prix. Je suis simplement un homme de gauche, comme beaucoup de Juifs Italiens".[5]

            Cher Barnaba, (c'était ton nom autrefois dans la résistance contre les nazis) tu as passé le test Ned Herrmann haut la main ! Toutefois, je dois te dire que le test Ned Herrmann, (ancien Directeur de la Formation au Management de Général Electric, en vue d'améliorer la performance des cadres et notamment leurs interactions en travail de groupe), et comme il est écrit : Rares sont ceux qui se situent à fond dans un quadrant. Chacun a en revanche une tendance à préférer, de façon inconsciente, un certain mode de pensée, une certaine appréhension du monde. Nous avons des "préférences cérébrales" qui conditionnent nos modes d'apprentissage, nos processus de décision, nos réactions aux stimuli qu'on nous propose...[6] Heureusement, tu n'es pas devenu cadre de l'Oréal, et mille fois merci pour les stimuli libertaires que tu nous a proposés, rien n'est vain… Dans La Stampa du vendredi 13 octobre, pages, Spettacoli & Cultura, tu es décrit comme :

"Un des réalisateurs qui a le plus influencés la culture cinématographique de l'après guerre".

Rien n'est néant, et je suis certain qu'avant de partir tu as pensé: Restez vigilant !

       

 

 



[1]Le glossaire du succès. A partir d'un questionnaire de 120 items portants sur les goûts et activités préférées, Ned Herrmann extrait une représentation graphique synthétique qui permet d'identifier les modes de traitement préférentiels d'une personne: Cortical gauche : pensée logique, analyse des faits - Limbique gauche : approche planifiée, organisation des faits, révision détaillée. Cortical droit : imagination, visualisation, conceptualisation-Limbique droit : réaction viscérale, réponse sensible, approche relationnelle,

http://www.success.tm.fr/coaching,hbdi-modelehermann,formation,page,index,mod,glossaire,theme,5,mot,58,leadership,174,bloc,7.fr.html [2] Site consulté le 14/10/2006.  

http://www.arte.tv/fr/cinemafiction/La_20bataille_20d_27Alger/671712,CmC=672224.html

[3] Idem

[4] Site consulté le 14/10/2006.

 ≤ http://www.arte.tv/fr/cinemafiction/La_20bataille_20d_27Alger/671712,CmC=672224.html ≥

[5] Idem

[6]Article écrit par Alain Strazzieri. Le modèle Herrmann des préférences cérébrales a fait son entrée dans le cours de comportement du consommateur. Site consulté le 14/10/2006

http://www.herrmann-europe.com/fr/marketing.html

 

 



23/10/2006
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